César sculpteur à Marseille
Trouver une voie : le Fer soudé, César 1949-1966
Du 1er juin au 12 juillet 2018, la galerie Alexis Pentcheff présente une exposition exceptionnelle consacrée au sculpteur d'origine marseillaise, César Baldaccini. Une cinquantaine d'oeuvres sont présentées à la vente, parmi lesquelles Compressions et Expansions, mais également des Fers soudés, pièces par lesquelles César ouvre sa carrière au début des années 1950.
César prépare le concours des Trois Arts, qui récompense la collaboration de trois étudiants des Beaux-Arts (en architecture, peinture et sculpture) dans le cadre d’un projet commun. Ce sera la réalisation de l’enseigne d’une halle à poissons préparée avec l’aspirant peintre Pierre Carron et l’élève architecte Jacques Binoux, qui mènera les pas de César à Villetaneuse à la fin de l’année 1953, chez l’industriel Léon Jacques, qui gère une usine spécialisée dans la fabrication de mobilier métallique de bureau : Matériel Malma. L’artiste y trouve non seulement les matériaux de récupération qu’il se propose d’agencer, mais aussi un lieu qui l’accueille pour travailler. Parmi les ouvriers de l’usine, César a aussi son poste. « Dans ce lieu, il y avait du métal, il y avait de la technique, il y avait des moyens, de souder, de découper, de scier, de meuler, de visser, de boulonner » . Et cette collaboration se révélera fructueuse et durable, donnant lieu, entre 1954 et 1966 à un corpus de plus de trois cents pièces de Fers soudés qui pourront postérieurement être rassemblées par types : figures, animaux, ailes, plaques, reliefs, tiroirs, moteurs, boites, œuvres abstraites et autres.
Le Gobi réalisé pour le concours de l’école est l’une des premières de ces pièces, qui lui permet de remporter le Prix d’une part, et d’autre part de se faire remarquer par la galerie Lucien Durand, qui expose la sculpture, à cette occasion acquise par l’Etat. Les encouragements sont triples, César arrive en fanfare.
Il aménage rue de l’Echaudé, dans la chambre d’une ancienne maison close, au sixième étage, sans eau. Rosine Groult, qu’il épousera après avoir divorcé de Maria, viendra l’y rejoindre. A la fin de l’année 1954, Lucien Durand lui consacre sa première exposition personnelle ; les choses sont en bonne voie. Il est invité à participer au Salon de Mai de l’année suivante, et présente le Nu assis Pompéi. Giacometti, qui n’est pas insensible à cette présence, souhaite rencontrer César. Ils ne s’étaient jamais parlé jusqu’alors, César s’était contenté de le connaître en l’observant au travail par la fenêtre de l’atelier... L’artiste commence aussi à vendre ses premières pièces, en dehors des liens qui avaient jusqu’alors amené les copains à lui rendre service, lui permettant tour à tour de tenir quelques jours, quelques semaines. Désormais, de grands collectionneurs : Bertie Urvater ou Léon Lambert, achètent César. A la fin de l’année 1955, la galerie Rive-Droite lui propose un contrat. C’est alors qu’il abandonne Baldaccini pour César. Une exposition avec Karel Appel, puis l’année suivante avec Alberto Burri.
Aux dîners de Marie-Laure de Noailles, il rencontre Coco Chanel, Greta Garbo, Elsa Schiaparelli… s’affiche au Tabou avec les musiciens en vogue. Raymond Cogniat lui ouvre les portes du Pavillon français qu’il partage avec Bernard Buffet à l’occasion de la Biennale de Venise en 1956. Le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris acquiert un Scorpion pour ses collections. Un nouveau contrat avec la galerie Creuzevault, qui lui consacre une exposition personnelle, puis les biennales de Sao-Paulo, de Carrare, qui présentent son travail à l’international. La galerie Hanover de Londres lui consacre une exposition personnelle. Il finit par signer en 1958 un contrat d’exclusivité partagée entre cette galerie anglaise et la galerie Claude Bernard, ce qui lui assure une certaine stabilité et surtout, une rémunération fixe. Sa première exposition à la galerie Claude Bernard, en 1959, est un triomphe parisien, une consécration. Entre les années 1954 et 1959, les succès s’enchaînent donc très vite pour l’artiste, après ces années laborieuses, cette survie indigente. Son travail se vend, lui permet enfin de vivre. C’est alors qu’il peut commencer d’envisager, grâce au soutien de son marchand Claude Bernard, les premières éditions de ses Fers soudés en bronze. Cette pratique sera plus courante à partir de la fin des années 1970.
Refusant pour ces bronzes le terme d’édition, le sculpteur intervient dans l’atelier du fondeur, contrairement à la pratique habituelle, privilégiant les variations à des fontes classiques à partir des pièces d’origine. « Recommencer, ce n’est pas refaire », affirme César comme un leitmotiv. La série des Fers soudés s’achève en 1966 avec La Pacholette. César ne retournera plus à l’usine de Villetaneuse de Monsieur Jacques. Cependant, malgré toutes les expérimentations qu’il s’apprête à mener, il sera jusqu’au bout fidèle à la ferraille, revenant sans cesse puiser à la source de ses inspirations, dans une liberté de plus en plus grande que lui permettent sa maîtrise parfaite de la technique et sa nouvelle aisance financière.