Picasso, céraméditerranée
Picasso et l'atelier Madoura
Du 3 mai au 1er juin, la Galerie Alexis Pentcheff consacre une exposition aux créations en céramique de Pablo Picasso, qui sont le fruit de sa longue collaboration avec l'atelier Madoura de Suzanne et Georges Ramié à Vallauris.
Lorsqu’il visite l’exposition annuelle des potiers de Vallauris en juillet 1946, un stand attire plus particulièrement l’attention de Picasso : il s’agit de celui de l’atelier Madoura.
« Ma Dou Ra », un nom élégamment choisi pour désigner la « Maison Doully-Ramié », en référence aux patronymes des fondateurs, les céramistes Suzanne et Georges Ramié (Doully étant le nom de jeune-fille de Suzanne).
Dès sa rencontre avec le couple, Picasso va souhaiter intégrer leur atelier et deux sujets, qu’il avait en tête, sont façonnés en terre. L’été suivant, de retour à Vallauris, il s’enquiert de ces pièces qui auront été cuites. Séduit par le résultat, il demande à retravailler dans l’atelier.
Bientôt, on lui aménage un espace afin qu’il puisse y venir de manière régulière et c’est une intense période de production qui s’ouvre, aux côtés de Suzanne Ramié et ses collaborateurs.
Chaque jour, Picasso vient travailler dans l’atelier Madoura, dans une frénésie qui bouscule l’ordinaire de la petite équipe, et bientôt celui de tout le village de potiers, qu’il fera connaitre sur la scène internationale.
Avant de lui préférer les hauteurs de Cannes, il s’installe en effet à Vallauris au printemps 1948 avec Françoise Gilot et leur fils Claude qui vient de naître et peu à peu, la ville se met aux couleurs de l’artiste. De corridas en célébrations, Picasso en fait sa cité ibérico-opportune d’adoption, lui qui s’est juré de ne plus retourner sur sa terre natale tant qu’y survivrait le franquisme.
Les éditions Picasso Madoura
« J’ai fait des assiettes (…) on peut manger dedans » adresse-t-il alors, tout excité dirait-on, à Malraux.
La production en céramique de Picasso se distingue en effet par son caractère de multiple.
Non seulement produit-il, dans l’atelier Madoura, un grand nombre de pièces, que l’on estime à 2000 ou 3000 mais encore, il décide de faire éditer certaines de ces pièces.
633 modèles, plus précisément, seront édités par l’atelier Madoura, auquel Picasso cède les droits appropriés, à partir de 1950.
Le principe suivi est celui qui préside à la gravure, cependant il convenait de l’adapter à la céramique, c’est à dire à l’oeuvre en trois dimensions.
Deux techniques différentes ont servi à cette fin : la première est la reproduction exacte, par les artisans de l’atelier, de la forme, des proportions et du décor de la pièce d’origine ; la seconde consiste à tirer des épreuves d’après une matrice en plâtre obtenue par moulage sur l’oeuvre originale. S’ils ne sont pas tous numérotés, les tirages sont particulièrement contrôlés et des cachets de l’atelier sont apposés au dos des pièces. Un catalogue raisonné des pièces éditées est également publié, servant de référence à la connaissance de ces pièces.
Suzanne Ramié décède un an seulement après Picasso, cependant son fils Jean reprend l’atelier et continue les éditions jusqu’à la fermeture de Madoura en 2008.
Si initialement, conformément à leur destination, qui visait une certaine démocratisation de l’art moderne, les céramiques éditées de Picasso étaient proposées à la vente à des prix assez bas, peu à peu, ces pièces ont pris de la valeur et constituent aujourd’hui des objets recherchés sur le marché de l’art.