Maurice Denis voit le jour en Normandie, à Granville, petite ville côtière ouvrant sur la Manche ; ses parents travaillent tous les deux ; son père est employé dans les Chemins de fer et sa mère confectionne des chapeaux. Très rapidement, Maurice Denis est envoyé à Paris où il fait ses études. Il fréquente le lycée Condorcet et prend en parallèle des cours de dessin dès 1884, il a alors quatorze ans. Il se confronte déjà, durant cette période, à l’exercice de la copie devant les peintures du Louvre. Il poursuit son enseignement, quatre ans plus tard, en 1888, en entrant à l’Académie Julian, qui est une académie privée et fréquente parallèlement l’École des Beaux Art de la capitale. C’est à cette occasion que le jeune Maurice Denis rencontre ses futurs compagnons de route : Paul Sérusier, Pierre Bonnard, Paul-Élie Ranson, Henri-Gabriel Ibels ou encore Edouard Vuillard.
Au commencement : les Nabis
Ces rencontres sont déterminantes pour Maurice Denis et cela à plusieurs titres. Tout d’abord, il fait la connaissance de jeunes peintres qui partagent ses visions esthétiques et picturales, voir philosophiques. En effet, le jeune artiste recherche le renouvellement en peinture, il est en quête d’un sens nouveau, plus profond et plus authentique, un lien direct avec la peinture, juste après l’avènement du mouvement symboliste.
L’élément fondateur est la rencontre entre Maurice Denis et Paul Sérusier. Un cadeau vient sceller cette amitié naissante. Paul Sérusier offre à Maurice Denis l’un de ses tableaux, Le Talisman. Les attentes esthétiques de Denis viennent de se matérialiser au travers de cette toile. Paul Sérusier a peint cette dernière au contact de Paul Gauguin, de son regard et de ses conseils : « Comment voyez-vous ces arbres ? Ils sont jaunes. Eh bien, mettez du jaune, cette ombre, plutôt bleue, peignez-la avec de l'outremer pur, ces feuilles rouges ? Mettez du vermillon. » Cette phrase à elle seule résume bien la nouvelle ligne picturale qui animera nos jeunes peintres ; peindre non pas selon la nature exacte des choses mais au contraire selon la manière dont on la perçoit. Ainsi, réunis en disciple autour de Paul Gauguin, Maurice Denis, Sérusier, Bonnard, Ker-Xavier Roussel, Paul-Élie Ranson et les autres décident de créer le groupe des Nabis. Tous versent dans une forme d’ésotérisme chrétien enrobé par l’esthétique symboliste. Néanmoins, chacun habite un thème de prédilection. Chez Maurice Denis, c’est le thème du Sacré qui occupe une grande partie de ses réalisations. Lors de sa première exposition, en 1891, il présente l’œuvre Mystère Catholique, au Salon des Indépendants ; cette première présentation à seulement vingt-et-un ans lui permet d’être remarqué et salué par ses contemporains.
Maurice Denis, l’artiste écrivain
L’influence de Maurice Denis ne s’arrête pas ici, il est aussi connu pour être le théoricien du mouvement Nabi. En effet, la production littéraire de Maurice Denis est aussi notable que sa production artistique. Entre 1890 et 1943, c’est plus de deux cents textes rédigés : critiques d’art, articles philosophiques, essais, sans oublier une dizaine de livres écrit par l’artiste. L’un de ses textes les plus connus reste sa Définition du Néo-traditionnisme qu’il écrit en 1890 et que beaucoup considèrent comme étant le manifeste des Nabis. Ce texte est également une charge contre le néo-impressionnisme et une promotion de la peinture basée sur la l’appréciation de la nature selon l’œil et l’impression, bannissant l’imitation et glorifiant le sentiment ressenti, sans fioriture ni artifice qui desserviraient la toile.
Les premières commandes du peintre décorateur
Dans la deuxième partie de sa vie, Maurice Denis est très souvent sollicité pour ses talents de décorateur ; aussi bien par la commande publique que privée, l’artiste bénéficie d’une renommée grandissante aussi bien en France qu’à l’étranger. En 1904, il réalise des panneaux pour le Salon de Musique de Curt Von Mutzenbecher, intendant du théâtre impérial de Wiesbaden. En 1907, c’est Ivan Morozov, le grand collectionneur russe, amateur et ami des peintres français de la modernité qui fait appel à ses services. Morosov connait très bien la France et ses artistes, s’adresser à Denis signifie s’adresser à toute la génération d’artistes que collectionne et affectionne Morozov. Il réalise pour lui un ensemble de treize panneaux dans son palais moscovite en reprenant des thèmes antiques. Nous pouvons également évoquer son intervention auprès d’Alexandre Berthier, prince de Wagram, pour lequel il habille un escalier avec l’œuvre L’âge d’or composée de cinq panneaux reprenant des thèmes antiques, fortement inspirés des fresques du Quattrocento. En France, c’est pour le Théâtre des Champs-Elysées, en 1912, que Maurice Denis est contacté ; à cette occasion, il réalise plusieurs travaux préparatoires pour orner la frise de la coupole de la salle, dont La Péri, du nom d’un ballet qui est régulièrement présenté au théâtre. L’ensemble de ces commandes au début des années 1900 achève de consacrer la réputation de peintre décorateur de Maurice Denis, ajoutant une nouvelle facette à cet artiste déjà très prolifique.
La période de l’occupation est, comme pour beaucoup de français, durement vécue par Maurice Denis. Durant cette période, plusieurs charges lui sont proposées qu’il refuse successivement, refusant de servir au sein d’un régime oppressif. Maurice Denis se fait renverser par un camion et décède à l’hôpital Cochin le 13 novembre 1943.
Salon du Dessin
22 mars 2023 - 27 mars 2023